Avis sur l’éolien par l’Académie des Beaux-Arts 02 2022

Nouvel avis des Académies des Beaux Arts et des Sciences sur l’éolien en France terrestre ou offshore. Cette énergie renouvelable ne semble guère appréciée par ces Académies. Voici en particulier ci-dessous l’avis assez littéraire de celle des Beaux-Arts. Son regard sur leur impact sur notre vision des paysages est intéressant :

https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/22_02_24_eoliennes.pdf

Annexe 2- Contribution de l’Académie des beaux-arts, par Jean Anguera, Académie des beaux-arts :

L’impact des éoliennes sur le paysage
Répondre aux besoins matériels de l’homme en détruisant les conditions de son
épanouissement moral et psychique auxquelles répond le paysage est socialement aberrant.
C’est pourtant dans ce contexte éminemment paradoxal que se situe l’implantation généralisée
des éoliennes.
Par leur présence répétée et disproportionnée se détachant sur le ciel, leur répartition régulière
et uniforme, les éoliennes créent un impact considérable sur le paysage. Les questions qu’elles
posent sont du domaine de l’esthétique, mais par esthétique il faut comprendre les données
psychologiques, symboliques, mentales c’est-à-dire intellectuelles et affectives qui
conditionnent pour une large part notre bonheur. Le plan esthétique est communément admis
comme étant subjectif et donc indéfiniment discutable. C’est la raison qui l’amène à être
souvent écarté des débats. Cependant l’impact visuel des éoliennes est si fort qu’il dépasse le
seuil du subjectif et nous oblige à remettre en cause la validité de leur implantation.
Les propos qui suivent s’appuient principalement sur les témoignages d’habitants du Pithiverais,
des environs de Beaune-La-Rolande ou de Toury dans le Loiret, un paysage de plateau considéré
généralement de faible valeur sur un plan touristique.
1) La modification des lointains.
« Où que je tourne mon regard il se heurte à une éolienne ; je ne peux plus voir un bout de paysage
épargné
» Vincent (Toury).
Dans la contemplation d’un paysage le lointain est ce que parcourt essentiellement le regard.
Propice au rêve et réalisant notre besoin d’évasion, synonyme d’espoir, il est désormais
tronçonné par les épaisses coupures verticales régulièrement espacées que dessinent les
éoliennes. C’est l’effet barreaux de la prison. Ainsi sur un plan psychologique la présence des
éoliennes élimine le sentiment de liberté que procure le paysage et ce qui en faisait la valeur
essentielle même si inconsciente puisque faisant partie de l’ordinaire.


2) La présence permanente d’un hors d’échelle :
« Quand je regarde les éoliennes derrière le clocher de l’église, j’ai l’impression d’habiter un village
de poupées, j’ai l’impression que le territoire est devenu minuscule.
» Antoine (Guigneville).
Jusqu’à présent la très grande majorité des réalisations humaines restaient à l’échelle du
paysage ; c’est-à-dire dans un rapport de grandeurs avec l’homme et le paysage.
Avec l’implantation d’éoliennes la perception habituelle du paysage est également fortement
modifiée quant à ses proportions. Il semble avoir singulièrement rapetissé. Les collines, les
bosquets, l’étendue de la plaine ont soudain diminué, et les distances se sont raccourcies. A un
sentiment d’enfermement il faut ajouter un sentiment de petitesse des espaces.

3) Le ciel envahi.
« En s’attaquant au ciel les éoliennes sont écrasantes ! » Monique (Judainville).
Du ciel proviennent les menaces. L’homme y cherche l’avertissement des temps à venir. Or
l’éolienne est d’abord dans le ciel. Là-haut est son moteur. Là-haut est le tournoiement de ses
pâles. L’éolienne est un objet aérien qui encombre l’espace et en transforme la nature. Dans un
même champ visuel des éoliennes par dizaines sont rapidement vécues comme insupportables.
C’est un ciel broyé ; un ciel en permanence soumis à une intrusion, à un sentiment de menace.


4) La beauté conditionnée par l’utilité et par le nombre.
« Je ne sais pas si j’aime les éoliennes car je soupçonne leur inutilité » Isabelle (Yèvres-Le-Châtel).
L’idée de beauté d’un objet n’est pas détachable de sa valeur utilitaire. Ainsi dès qu’il est
découvert inutile ou inutilisable il devient désagréable à nos yeux, voire laid ou dangereux.
Le jugement esthétique est également soumis à un critère d’unicité ou de rareté. Nombreuses,
identiques, devenues banales et envahissantes les éoliennes ne peuvent être belles. Au fur et
à mesure de leur implantation certaines personnes sont ainsi passées de l’adhésion au rejet et
parfois considèrent insupportables de vivre au milieu d’elles, mais il est trop tard pour agir et
beaucoup d’habitants sont saisis d’une forme de désespoir. Certains les disent nocives sans
justifier rationnellement leurs propos, et évoquent des troubles physiques, sans doute s’agit-il
de désagréments psychosomatiques mais aux effets bien réels qui ne doivent pas être négligés.


5) Le sentiment de tyrannie.
« D’un seul coup elles sont là et tu ne sais même pas comment, pourquoi, et qui est le décideur ! »
Jean-François (St-Loup-des-Vignes).
La façon systématique et violente d’implanter ces éoliennes d’une taille disproportionnée
ressemble à la main mise d’un pouvoir supérieur sur nos existences. Toute édification au-delà
d’une certaine dimension génère un sentiment d’oppression. Elle suppose un parfait accord
avec ceux qui côtoient cette édification. Dans le cas contraire elle est perçue comme l’exercice
d’une tyrannie. Ces monuments que sont les éoliennes ne sont généralement pas le fait d’un
assentiment général. Une commune et au mieux quelques exploitants agricoles peuvent être
les bénéficiaires de son implantation. Pour tous leurs voisins, il ne peut s’agir que d’une nuisance
à moins d’adhérer aveuglément à une solution écologique qui fait pourtant largement débat.


6) Quand elles sont loin ou quand elles sont proches de chez soi.
« Tout change en fonction de la distance avec son lieu de résidence. Côtoyée de près la disproportion
d’échelle s’impose à l’évidence. Le côté menaçant se fait nettement sentir. Plus moyen d’être
indifférent. C’est alors que nous découvrons que notre avis n’est pas sollicité
. » Gérard (Beaune-
la-Rolande).
« Pourquoi les installe-t-on ici dans un paysage magnifique ! Il n’y a qu’à les mettre en Beauce
par exemple !
»
La plupart d’entre nous n’a réfléchi aux conséquences de l’implantation des éoliennes que
lorsqu’il est directement concerné. Tout un chacun pense spontanément, et en dehors de
toute subjectivité, que l’implantation d’éoliennes détruit le paysage par conséquent son premier réflexe est de suggérer de les installer dans un endroit jugé sans intérêt. Mais n’est-il
pas injuste d’imposer une gêne supplémentaire à ceux qui se trouvent déjà dans une
situation défavorisée ?


7) Deux problématiques sont indirectement liées à l’impact sur le paysage :
La question de la somme provisionnée pour le démantèlement d’une éolienne
: selon l’étude
faite par un cabinet d’architecture (agence Dominique Perrault) ce démantèlement pourrait
aller sur terrain plat jusqu’à 400 000€. Si le terrain est accidenté le coût peut s’avérer nettement
plus important. Quant à la somme provisionnée pour le démantèlement elle ne semble pas
s’élever à plus de 100 000€, donc elle reste bien insuffisante.
Autre problématique d’ordre technique : celui du recyclage des pales en résine époxy armée
de fibres de verre
. La dureté du matériau composite couplé avec l’avantage de sa légèreté en a
fait un matériau utilisé depuis longtemps. Son recyclage fait l’objet d’études depuis de
nombreuses années sans solution véritablement satisfaisante – par exemple dans le réemploi
du matériau des coques de bateau ou de pièces de véhicules automobiles. Il faut songer à la
résistance des kayaks de compétition destinés à franchir des rapides sans se briser ou à celle
des pâles d’hélicoptère pour imaginer sans peine les difficultés d’un recyclage des résines
composites. Ce recyclage s’avère effectivement très difficile. Il est effectué par broyage
essentiellement, une technique très coûteuse en énergie, suivi par un réemploi comme charge
par noyage dans une nouvelle résine. La combustion de ces résines est également complexe
parce qu’excessivement polluante.
Il est regrettable de constater que les solutions d’avenir aux problèmes esthétiques, économiques
et techniques posées par les éoliennes tiennent d’avantage d’illusions entretenues et de
campagnes publicitaires que de solutions réalistes qui, en tout état de cause, auraient dû
précéder la politique d’implantation des éoliennes et non être reportées à plus tard. La mise en
service de l’automobile n’a pas eu lieu avant d’avoir solutionné les moyens de freinage du
véhicule.


Conclusion :
L’évidence première est que le paysage participe au bien-être de l’homme. Il est nécessaire
que l’homme aime le lieu qu’il habite. Il trouve ainsi une forme de confort qui répond à un
besoin psychique et moral. La beauté du paysage vécu participe à son épanouissement
intellectuel, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. C’est pourquoi dans ces déplacements de loisir
l’homme recherche les lieux qui lui semblent beaux. Par conséquent il ne doit pas sacrifier la
beauté du paysage qu’il habite, car à être toujours ailleurs cette beauté finira forcément par être
nulle part.
L’implantation des éoliennes suppose un sacrifice considérable et généralisé à toute la
population. Au vu des conséquences la décision de leur implantation est d’une responsabilité
énorme et ne peut être prise qu’avec la certitude absolue de son bien-fondé.
Face au sacrifice consenti ce serait une faute impardonnable de la part de nos décideurs que de
nous obliger dans quelques années à assister partout en France aux spectacles désolant de
champs d’éoliennes abandonnés parce qu’inutiles ou non rentables. Tel risque d’être le paysage
que nous laisserons aux générations futures.

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