MRAe Grande Contrée Charleville Marne (5 1 2023)

La Mission Régionale d’Autorité Environnementale a répondu en janvier 2023 au dossier présenté par la société OSTWIND sur son projet de 6 éoliennes à Charleville. Vous pouvez trouver sa réponse en cliquant sur le lien suivant.

Elle recommande au Préfet de ne pas ouvrir l’enquête publique en état au vu des nombreux reproches qui sont faits sur ce projet. Mais le calendrier oblige plus au moins le Préfet à ouvrir l’enquête publique quoiqu’il en soit. On espère qu’il saura pourtant entendre ce qui a été signalé ici, lorsqu’il prendra sa décision finale d’autoriser ou non le projet.

Il faut espérer que les remarques environnementales ne sont pas sacrifiées devant l’envie à tout prix d’ajouter des éoliennes à un territoire déjà saturé et ayant largement contribué à l’effort demandé pour les ENr dans le Grand-Est, dans la Marne et particulièrement le Sud-Ouest Marnais

https://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2023apge2.pdf

n°MRAe 2023APGE2 Grand Est
Nom du pétitionnaire SEPE La Grande Contrée, Commune Charleville, Département Marne (51)
Objet de la demande : Demande d’autorisation environnementale de construire et d’exploiter un parc éolien de 6 aérogénérateurs et 1 poste de livraison.
Date de saisine de l’Autorité environnementale 07/11/2022

Avis délibéré sur le projet d’exploitation du Parc éolien de la Grande Contrée à Charleville (51) porté par la société SEPE La Grande Contrée
Préambule relatif à l’élaboration de l’avis
En application de la directive européenne sur l’évaluation environnementale des projets, tous les projets soumis à évaluation environnementale, comprenant notamment la production d’une étude d’impact, en application de l’article R.122-2 du code de l’environnement, font l’objet d’un avis d’une « autorité environnementale » désignée par la réglementation. Cet avis est mis à disposition du maître d’ouvrage, de l’autorité décisionnaire et du public.
En application du décret n°2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité en charge de l’examen au cas par cas modifiant l’article R.122-6 du code de l’environnement, l’autorité environnementale est, pour le projet de construction et d’exploitation d’un parc éolien à Charleville (51) porté par la société SEPE La Grande Contrée, la Mission régionale d’autorité environnementale1 (MRAe) Grand Est, de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Elle a été saisie pour avis par le préfet de la Marne le 07/11/2022 pour un dossier réceptionné par ses services le 25/01/21 et complété en mars 2022.
Conformément aux dispositions de l’article R.181-19 et D181-17-1 du code de l’environnement, le préfet du département de la Marne a transmis à l’Autorité environnementale les avis des services consultés.
Après en avoir délibéré lors de sa séance plénière du 5 janvier 2023, en présence de Julie Gobert, André Van Compernolle et Patrick Weingertner, membres associés, de Jean-Philippe Moretau, membre permanent et président de la MRAe, de Christine Mesurolle, Catherine Lhote et Georges Tempez, membres permanents, de Yann Thiébaut, chargé de mission et membre de la MRAe, la MRAe rend l’avis qui suit, dans lequel les recommandations sont portées en italique gras pour en faciliter la lecture.


Compte tenu de l’augmentation importante du nombre de dossiers de production d’énergie renouvelable transmis à l’Ae et de la non augmentation de ses moyens, pour ne pas être contrainte au rendu d’avis tacites, l’Ae a fait le choix d’établir des avis courts
centrés sur les enjeux qu’elle considère comme majeurs et dont la bonne prise en compte lui paraît essentielle.


Il est rappelé ici que cet avis ne porte pas sur l’opportunité du projet mais sur la qualité de l’évaluation environnementale présentée par le maître d’ouvrage et sur la prise en compte de l’environnement par le projet. Il vise à permettre d’améliorer sa conception et la participation du public à l’élaboration des décisions qui portent sur ce projet.
La décision de l’autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage à réaliser le projet prend en considération cet avis (cf. article L.122-1-1 du code de l’environnement).
L’avis de l’autorité environnementale fait l’objet d’une réponse écrite de la part du pétitionnaire (cf. article L.122-1 du code de l’environnement).
Note : les illustrations du présent document, sauf indication contraire, sont extraites du dossier d’enquête publique.

REMARQUES LIMINAIRES
D’un point de vue général, l’Ae constate deux insuffisances récurrentes des dossiers éoliens qui lui sont présentés :
1 – Les suivis post-implantations, réalisés dans les départements par l’ensemble des porteurs de projets éoliens dans le cadre des obligations qui résultent de leurs autorisations préfectorales d’exploitation, ne servent pas de référence pour appuyer l’évaluation des incidences et l’efficience des mesures d’évitement et réduction proposées pour les nouveaux projets.
L’Ae recommande au Préfet et à la DREAL de mettre à la disposition du public, et donc des porteurs de projets, tous les suivis post-implantation qui sont remontés par ces derniers.
L’Ae recommande au porteur de projet de produire une synthèse de tous les suivis post-implantation effectués pour l’ensemble des parcs présents sur un secteur homogène par rapport au projet (et couvrant a minima l’aire d’étude éloignée), en vue de conforter ses analyses et mesures pour les nouveaux parcs.
2 – Un développement important de projets éoliens est constaté sur des secteurs déjà fortement équipés. Les implantations actuelles d’éoliennes ont pu ainsi modifier les couloirs de migration des oiseaux recensés auparavant et peuvent aussi conduire à restreindre les espaces disponibles en dehors de ces couloirs pour les nouveaux projets.
L’Ae recommande aux services de l’État en charge des questions d’aménagement du territoire, de la transition énergétique et de la préservation de la biodiversité, de mener, en lien avec les collectivités locales, une étude spécifique de l’impact des grands pôles
éoliens sur les oiseaux, de favoriser la diffusion de la connaissance des modifications des couloirs de migration du fait de la densification de ces pôles et du retour d’expérience du caractère fonctionnel des mesures mises en place par les projets existants, et d’en tenir compte pour la mise à jour de la définition des zones favorables au développement de l’éolien dans le Grand Est.
A – SYNTHÈSE CONCLUSIVE
L’Ae a principalement identifié les enjeux relatifs à la biodiversité et au paysage. Elle rend un avis court et ciblé sur ces deux enjeux majeurs du projet.
Les études portant sur ces enjeux principaux sont relativement approfondies, mais avec des insuffisances, notamment en ce qui concerne le statut des différentes espèces de chauves-souris qui se réfère à une version obsolète de liste rouge des espèces menacées, laquelle a été révisée en 2017. Il s’ensuit que les conclusions correspondantes manquent de rigueur et doivent être
reconsidérées.
S’agissant du choix du site, l’étude d’impact reconnaît que les éoliennes du projet se situent en zone d’exclusion définie par la « Charte Éolienne des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne » dans le cadre du Bien mondial de l’Unesco « Coteaux, Maisons et Caves de Champagne », mais ne prend pas en considération les covisibilités depuis le vignoble, alors même que la mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne qui avait été consultée par le pétitionnaire, considère que cette covisibilité est établie sans équivoque.
L’Ae recommande en premier lieu au pétitionnaire de proposer une implantation alternative hors zonage UNESCO pour son parc éolien.
L’Ae recommande par ailleurs au Préfet de ne pas autoriser le projet tant que le pétitionnaire n’aura pas reconsidéré sa localisation.

L’Ae constate par ailleurs que les choix techniques proposés, avec une faible garde au sol des éoliennes et un éloignement insuffisant des bordures boisées pour 3 des 6 éoliennes, maximise les risques de mortalité d’oiseaux et de chauves-souris, dont la richesse présente sur le site justifierait pourtant des protections supplémentaires. Ainsi, des mesures complémentaires ou
changements sont nécessaires, notamment sur la distance des éoliennes par rapport aux lisières boisées ainsi que pour la hauteur de la garde au sol.

De plus, dans le cadre d’un nouveau dossier à présenter, l’Ae recommande principalement au pétitionnaire de :

  • déplacer les éoliennes CH-1, CH-2 et CH-4 à plus de 200 m en bout de pale de toutes lisières boisées ou haies ;
  • choisir un modèle d’éolienne qui respecte une hauteur de garde au sol de 30 m minimum ;
  • proposer des mesures d’évitement, de réduction et de compensation (ERC) en faveur des oiseaux migrateurs ;
  • revoir l’analyse des effets cumulés en s’appuyant notamment sur les résultats des suivis environnementaux post-implantation des parcs voisins ;
  • réaliser un suivi renforcé des mortalités d’oiseaux à raison d’au moins 30 prospections réparties en 4 semaines, entre les semaines 10 et 43, et de chauves-souris sur toute la période de mars à octobre.

  • B – AVIS DÉTAILLÉ COURT
  1. Projet et environnement
    La société SEPE La Grande Contrée, filiale à 100 % de la société OSTWIND, sollicite l’autorisation d’implanter le parc éolien de la Grande Contrée sur le territoire de la commune de Charleville (51), à 30 km au sud-est d’Épernay (Cf. Figure 1, ci-dessous). Le projet est constitué de 6 éoliennes de 135 m de hauteur en bout de pale et de 1 poste de livraison.
    Figure 1 : Périmètre d’étude du projet (gauche) et zone d’implantation du projet (droite)
    Le modèle pressenti d’éoliennes est le modèle V110 du fabricant Vestas d’une puissance unitaire de 2,2 MW et ayant les caractéristiques de hauteurs suivantes :
  • hauteur maximale en bout de pales : 135 m ;
  • hauteur du mât : 80 m ;

  • diamètre du rotor : 110 m ;
  • garde au sol : 25 m.

  • Le projet s’implante dans une zone déjà dense en éoliennes avec 49 machines construites et 57 en instruction dans un périmètre de 15 km (Cf. Figure 2, ci-dessous). Deux parcs sont particulièrement proches de la Zone Potentielle d’Implantation (ZIP) : le parc de la Butte de Soigny à 1,5 km et le parc de la Brie Champenoise à 3,5 km.
  • Figure 2 : Contexte éolien vis-à-vis des parcs environnants
    Le projet d’une puissance maximale de 13,2 MW, aura une production d’environ 29 GWh/an, soit l’équivalent de la consommation électrique moyenne annuelle d’environ 12 300 foyers selon le pétitionnaire. Se basant sur l’analyse des données d’EDF2, l’étude d’impact indique que la substitution de l’énergie éolienne aux énergies fossiles permet d’économiser en moyenne l’émission dans l’atmosphère de 51 g de CO2/kWh. Sur la base de ce chiffre, le projet devrait permettre d’éviter le rejet annuel d’environ 1 480 tonnes de CO2.
    L’Ae signale au pétitionnaire qu’au regard des données du SRADDET (consommation électrique du secteur résidentiel du Grand Est de 16 448 GWh en 2016) et de l’INSEE en 2017 (2 471 309 ménages en Grand Est), on peut considérer que la consommation électrique d’un foyer en Grand Est est de l’ordre de 6,6 MWh par an. Ce chiffre conduit à une équivalence « brute » pour le projet d’une consommation électrique de l’ordre de 4 400 foyers, donnée représentative du profil de consommation moyen des ménages en Grand Est (avec ou sans chauffage électrique) et bien inférieure à celle annoncée par le pétitionnaire.
    Le projet inclut une analyse bibliographique du cycle de vie d’une éolienne et le temps de retour énergétique de l’installation (3,8 mois pour une éolienne de 1,5 MW selon le pétitionnaire) sans pour autant l’affiner au titre de son propre projet (type d’éolienne, vent moyen…).
    L’Ae recommande au pétitionnaire de :
  • régionaliser ses données d’équivalence de consommation électrique par foyer ;
  • préciser le temps de retour énergétique de sa propre installation, en prenant en compte l’énergie utilisée pour le cycle de vie des éoliennes et des équipements (extraction des matières premières, fabrication, installation, démantèlement, recyclage) ainsi que celle produite par l’installation, et selon la même méthode, préciser celui au regard des émissions des gaz à effet de serre.
    L’Ae signale à cet effet qu’elle a publié, dans son recueil « Les points de vue de la MRAe Grand Est3 », pour les porteurs de projets et pour la bonne information du public, ses attentes relatives à une meilleure présentation des impacts positifs des projets d’énergies renouvelables (EnR) et des émissions de gaz à effet de serre (GES).
    2 Calcul des émissions de CO2 évitées au sein du groupe EDF, EDF, 2017.
    3 Point de vue consultable à l’adresse : http://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/les-points-de-vue-de-la-mrae-grand-est-r456.html

    Elle signale également la publication récente d’un guide ministériel sur la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans les études d’impact4.
    L’Ae rappelle au pétitionnaire que le périmètre d’étude s’entend pour l’ensemble des opérations d’un projet5et par conséquent, que l’étude d’impact de son projet se doit d’apprécier également les impacts du raccordement à un poste source.
  1. Analyse de la qualité de l’étude d’impact et de la prise en compte de l’environnement par le projet
    Le Schéma régional de l’Éolien (SRE) Champagne-Ardenne6, établi antérieurement à la labellisation du Bien mondial de l’Unesco « Coteaux, Maisons et Caves de Champagne », identifie la Zone d’implantation du projet en tant que zone favorable au développement de l’éolien.
    Les recommandations ci-après visent à permettre au pétitionnaire d’identifier les éléments principaux pour la bonne prise en compte de l’environnement, en complément des avis rendus par les services au préfet.
    2.1. Le paysage et les co-visibilités
    Le projet s’inscrit dans le paysage de la Brie Champenoise, vastes étendues consacrées à l’agriculture. La zone d’implantation potentielle est marquée par la présence en son sein de plusieurs massifs boisés de tailles variées, qui créent des filtres et qui, alliés à la topographie, organisent les points de vue. Elle est fermée à l’ouest par le vaste massif de la forêt domaniale du
    Gault, qui masque largement le projet depuis une grande partie du territoire.
    Respiration visuelle des villages
    Une étude de la saturation visuelle a été menée sur les 12 communes pouvant présenter un risque de dépassement des seuils de saturation visuelle et d’encerclement tels que précisés dans le SRE Champagne-Ardenne.
    La commune de Charleville est impactée par ce projet du fait de l’installation des éoliennes dans un angle de vue encore démuni en éolienne (Cf. Figure 6, ci-dessous). L’Ae constate qu’un espace de respiration de seulement 100° reste présent en direction de Sézanne, alors qu’une véritable respiration visuelle correspondrait, d’après le SRE, à un angle minimal de 160 à 180° sans éolienne.
    Le parc a également un impact visuel pour la commune de Le-Gault-Soigny puisqu’il vient s’inscrire dans son plus grand espace de respiration. Néanmoins, il ne vient pas saturer le paysage car il reste suffisamment de grands espaces de respiration autour de la commune.
    Enfin, l’ensemble des communes étudiées présente un angle de respiration supérieur à 60°, ce qui se rapproche du seuil d’alerte défini dans le SRE, quand 50 % du panorama est occupé par des éoliennes, et/ou une saturation visuelle inférieure à 180°, ce qui correspond au seuil précité préconisé par le SRE au-delà duquel une véritable respiration visuelle est obtenue. Les impacts
    sur les lieux de vie sont cependant considérés comme faibles par le pétitionnaire, du fait de la distance et de la présence de filtres végétaux plus ou moins denses autour des villages et en direction du projet. Au vu des éléments précédents sur les angles de respiration, l’Ae ne partage pas cette appréciation.
    4 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Prise%20en%20compte%20des%20%C3%A9missions%20de%20gaz
    %20%C3%A0%20effet%20de%20serre%20dans%20les%20%C3%A9tudes%20d%E2%80%99impact_0.pdf
    5 Extrait de l’article L.122-1 III du code de l’environnement :
    « Lorsqu’un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le
    paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité ».

    6 Le SRE est annexé au schéma régional climat, air énergie (SRCAE) de Champagne-Ardenne, lui-même annexé au Schéma
    Régional de l’aménagement, du développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) de la région Grand Est

    Figure 6 : Diagramme d’encerclement de la commune de Charleville
    Patrimoine mondial Unesco des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne
    Le dossier indique que des réunions de travail et d’échanges ont été organisées entre le pétitionnaire et la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne afin de définir l’implantation du projet la moins impactante sans pour autant joindre un avis formel de celle-ci.
    Le projet se situe dans la zone d’exclusion définie par la « Charte Éolienne des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne » élaborée en 2018 par la Mission citée précédemment. Dans cette zone d’exclusion, la charte préconise de ne pas développer de nouveau parc éolien sauf en cas de non-covisibilité avec le vignoble. Les éoliennes du projet se trouvent à environ 7 km du vignoble de Bergères-sous-Montmirail et de Talus-Saint-Prix.
    Sollicitée directement par l’Ae, la Mission Unesco relève que :
  • « le plan paysage éolien du vignoble de Champagne mandaté par l’association France Énergie Éolienne (FEE) localise ce projet entre zone d’exclusion et zone de vigilance modérée où l’implantation est considérée comme sensible » ;
  • « les boisements situés en rebord de plateau sont incapables de masquer en grande partie le projet qui se dévoile en quasi-totalité du mât aux pales du fait de la proximité du parc avec la vallée du Petit Morin » ;
  • « depuis le vignoble de Talus-Saint-Prix, les pales des éoliennes les plus au nord apparaissent au-dessus de la lisière boisée, s’installant dans l’espace de respiration entre les deux bouquets d’éoliennes constituant le parc de la Brie Champenoise ».
    Au final, la Mission considère qu’en l’état le projet ne prend pas en compte les préconisations de la charte éolienne de la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne et a fait part à l’Ae de son avis défavorable.
    L’Ae recommande au pétitionnaire de proposer une implantation alternative hors zonage UNESCO pour son parc et de resolliciter l’avis formel de la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne dans le cas où une alternative située à proximité des vignobles de Champagne serait maintenue.
    2.2. Les milieux naturels et la biodiversité
    Les milieux naturels
    De nombreux sites Natura 2000 et zones d’inventaires sont recensés au sein de l’aire d’étude rapprochée (Cf. Figure 3, ci-dessous) :
    2 sites Natura 20007 de type Zones Spéciales de Conservation (ZSC) ;
  • 8 ZNIEFF8 de type I et 1 ZNIEFF de type II.
    Figure 3 : Localisation des zones d’inventaires et des sites Natura 2000
    Enjeux relatifs aux oiseaux (avifaune)
    L’étude écologique a été menée sur un cycle biologique complet par des prospections régulières entre février 2017 et janvier 2018 réparties sur 25 passages (10 en période post-nuptiale, 2 en période hivernale, 7 en période prénuptiale et 6 en période de reproduction). L’étude a permis de répertorier 91 espèces d’oiseaux dans la zone d’étude rapprochée et ses proches alentours.
    Après analyse des enjeux relatifs aux oiseaux, l’étude estime que l’impact est vraisemblablement faible pour les espèces hivernantes, moyen pour les espèces nicheuses de plaine mais élevé pour les oiseaux migrateurs. En effet, bien que le projet ne se situe dans aucun couloir de migration principal ou secondaire répertorié (Cf. Figure 4 gauche, ci-dessous, d’après le SRE Champagne-Ardenne), l’étude écologique met en évidence un flux local de migration élevé pour la région (Cf.Figure 4 droite, ci-dessous). À noter également que le projet est constitué de 2 lignes de 3 éoliennes perpendiculaires à l’axe de migration local, ce qui est la disposition la plus pénalisante. De plus, d’après l’étude, l’installation d’un parc éolien entraînera une perturbation des migrateurs, un risque de collision selon les espèces ainsi qu’un impact sur la fréquentation du site pour les rassemblements de migrateurs ou d’hivernants. Enfin, l’étude d’impact identifie plusieurs espèces pour lesquelles les enjeux sont particulièrement importants. C’est le cas par exemple du Faucon crécerelle et de l’Alouette des champs qui sont présents sur le site et sujets aux collisions ainsi que la Caille des blés, également bien représentée sur la zone et sensible au dérangement.
    7 Les sites Natura 2000 constituent un réseau européen en application de la directive 79/409/CEE « Oiseaux » (codifiée en 2009) et de la directive 92/43/CEE « Habitats faune flore », garantissant l’état de conservation favorable des habitats et espèces d’intérêt européen. Les sites inventoriés au titre de la directive « Habitats » sont des sites d’intérêt communautaire (SIC) ou des zones spéciales de conservation (ZSC), ceux qui le sont au titre de la directive « Oiseaux » sont des zones de protection spéciale (ZPS). Ils ont une grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelles qu’ils contiennent. La constitution du réseau Natura 2000 a pour objectif de maintenir la diversité biologique des milieux, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales dans une logique de développement durable.
    8 Une ZNIEFF est un espace naturel inventorié en raison de son caractère remarquable :
  • les ZNIEFF de type I, de superficie réduite, sont des espaces homogènes d’un point de vue écologique et qui abritent au moins une espèce ou un habitat rares ou menacés, d’intérêt aussi bien local que régional, naturel ou communautaire ; ou ce sont des espaces d’un grand intérêt fonctionnel pour le fonctionnement écologique local ;
  • les ZNIEFF de type II, sont de grands ensembles naturels riches ou peu modifiés, qui offrent des potentialités biologiques im-
    portantes. Elles peuvent inclure des zones de type I et possèdent un rôle fonctionnel ainsi qu’une cohérence écologique et
    paysagères.

    Figure 4 : Localisation du projet vis-à-vis des couloirs de migration de l’avifaune (gauche) et ensemble des secteurs à préserver pour limiter l’impact sur la migration, les stationnements migratoires et les impacts cumulés (droite).
    Au regard des enjeux vis-vis des oiseaux, le pétitionnaire prévoit la mise en place des mesures de réduction et d’accompagnement suivantes :planification des travaux hors période de nidification ;
  • mise en place de nichoirs à destination du Faucon crécerelle (12 emplacements à plus de 4 m de haut, à l’abri des vents dominants, à plus d’un kilomètre de toutes éoliennes existantes et en concertation avec un spécialiste) ;
  • création d’espaces propices à la Caille des blés (et d’autres espèces telles que le Busard Saint-Martin ou l’Alouette des champs) par la mise en place de couverts herbacés de 0,1 ha de large en limite de parcelle, à 1,5 km du projet et en concertation avec la LPO.
    L’Ae considère que les mesures « Éviter, Réduire Compenser » (ERC) concernant les oiseaux nicheurs sont suffisantes. En revanche, l’Ae regrette que les mesures proposées ne permettent pas de garantir une absence d’impact significatif sur les oiseaux migrateurs.
    En ce sens, l’Ae recommande au pétitionnaire de proposer des mesures ERC en faveur des oiseaux migrateurs et de mettre en place un bridage diurne des éoliennes en période de migration dans le cas où les suivis de mortalité post-implantation de ce projet mettraient en avant une mortalité accrue des oiseaux migrateurs.
    Analyse des effets cumulés : cas particulier de l’avifaune
    Bien que le dossier présente une analyse des effets cumulés, l’Ae déplore que l’étude ne fasse pas mention des suivis environnementaux post-implantation des parcs éoliens les plus proches.
    L’analyse des effets cumulés indique toutefois que l’espace entre le projet et les parcs voisins offre une trouée inférieure à 1,5 km, soit une largeur à peine suffisante pour ne pas perturber le passage migratoire. De plus, les migrateurs faisant habituellement halte dans ce secteur et sensibles à l’effarouchement perdront un vaste territoire. La mortalité induite par collisions avec les pales sera également renforcée par la multiplication des parcs éoliens.
    L’Ae recommande au pétitionnaire de réaliser une analyse fine des suivis environnementaux post-implantation en s’assurant de la fiabilité des résultats de ces suivis et plus particulièrement les résultats des suivis de mortalité, afin d’en tirer toutes les conséquences pour proposer des mesures ERC adaptées.
    Concernant les suivis post-implantation du parc éolien de la Grande Contrée, et au regard des enjeux lors de la migration prénuptiale, l’Ae recommande au pétitionnaire d’élargir la période du suivi de mortalité de sorte à couvrir a minima les semaines 10 à 43. En cas d’impact significatif, l’Ae réitère sa recommandation de présenter des mesures supplémentaires, telles qu’un bridage diurne, visant à préserver l’avifaune migratrice.

    Enjeux relatifs aux chauves-souris (chiroptères)
    Des écoutes manuelles au sol (10 points d’écoute avec 7 passages en période printanière, 5 en période de mise bas et 9 en période automnale) ainsi que des écoutes automatiques en continu en altitude ont été réalisées pour déterminer l’activité des chauves-souris. L’ensemble de ces expertises a permis de recenser une richesse chiroptérologique forte avec une quinzaine
    d’espèces contactées au sein de l’aire d’étude, sur les 27 présentes dans la région.

    Les résultats des écoutes au sol montrent que le site affiche une activité chiroptérologique considérée comme moyenne à élevée (en moyenne 18 contacts/h) et particulièrement le long des haies et boisements (moyenne de 31 contacts/h). L’étude d’impact conclut sur des enjeux élevés pour les colonies de Sérotines communes et Noctules de Leisler ainsi que pour les espèces migratrices de haut vol telles que la Pipistrelle de Nathusius, la Noctule commune et la Noctule de Leisler dont la présence est récurrente sur le site (Cf. Figure 5, ci-dessous).
    Toutefois, s’agissant de la liste des espèces menacées mentionnée dans l’étude d’impact, l’Ae souligne la nécessité de se référer aux publications les plus récentes et recommande donc de réévaluer les enjeux en conséquence.
    Figure 5 : Synthèse des enjeux chiroptérologiques de la zone d’étude
    Au regard des enjeux sur les chauves-souris, le pétitionnaire prévoit la mise en place d’un bridage des éoliennes. Une étude chiroptérologique complémentaire a été réalisée au printemps 2021 afin d’adapter au mieux les mesures de bridage en période printanière. Par conséquent, le bridage des éoliennes est adapté selon les différentes périodes de l’année et présente les caractéristiques suivantes :
    En mars et d’octobre à novembre :
  • vent inférieur à 6 m/s ;
  • en absence de pluie ;
  • à partir d’une heure avant le coucher du soleil et une heure après le lever du soleil ;
  • température supérieure à 10 °C ;
    Du 1er avril au 30 septembre (bridage renforcé) :
  • vent inférieur à 10 m/s ;
  • en absence de pluie ;
  • à partir d’une heure avant le coucher du soleil et une heure après le lever du soleil ;
  • température supérieure à 10 °C.
    L’Ae note positivement que les paramètres de bridage ont été définis selon les enjeux locaux de la zone du projet.
    L’Ae n’a pas d’autres remarques sous réserve que l’analyse fine des suivis environnementaux post-implantation des parcs voisins ainsi que les résultats des suivis post-implantation du parc éolien de la Grande Contrée ne mettent pas en évidence une
    mortalité accrue des chauves-souris.

    Le cas échéant, l’Ae recommande au pétitionnaire de revoir les paramètres de bridage au regard des résultats des suivis d’activité et de mortalité des chauves-souris
  • Éloignement des lisières boisées
    L’Ae rappelle que les zones boisées et les haies constituent des zones de nourrissage des chauves-souris et qu’elles sont de fait à éviter ou qu’il convient de s’en éloigner.
    Alors que les recommandations du SRE Champagne Ardenne et du document Eurobats9 du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) recommandent un éloignement minimal entre éoliennes et lisières boisées ou haies de 200 m en bout de pale, le dossier mentionne le respect de cette distance mais en partant des mâts. L’Ae, en faisant un calcul graphique depuis la Figure 1 (droite), et compte tenu du diamètre du rotor des éoliennes de 110 m, estime quant à elle que les éoliennes CH-1, CH-2 et CH-4 sont à une distance en bout de pale d’environ 150 m.
    L’Ae rappelle au pétitionnaire que la distance d’éloignement de 200 m de toutes lisières boisées ou haies se calcule depuis le bout de pale de l’éolienne et non pas depuis le mât.
    L’Ae recommande au pétitionnaire de respecter une distance de 200 m en bout de pales entre les machines et les boisements ou haies.
    Garde au sol inférieure à 30 mètres
    L’Ae constate que le choix du modèle d’éolienne dispose d’une garde au sol de 25 m. L’Ae rappelle qu’une garde au sol d’au moins 30 m est recommandée par la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM)10 afin de limiter les impacts sur la faune volante, notamment les chauves-souris mais également les oiseaux, en particulier les passereaux qui sont nombreux à traverser la zone du projet en période de migration.
    L’Ae recommande au pétitionnaire de choisir un modèle d’éolienne qui respecte une hauteur de garde au sol de 30 m minimum.
    2.3. Les nuisances sonores

    L’habitation la plus proche se trouve au niveau du Clos Roi sur la commune de Charleville à 716 m de l’éolienne CH-2. Une étude de prévision acoustique conclut que le parc devrait respecter la réglementation en vigueur en termes de niveau sonore puisque aucun dépassement acoustique n’a été enregistré. Une étude acoustique sera réalisée dès la mise en service du parc afin de
    vérifier la validité de ces prévisions. En cas de dépassement des seuils réglementaires, un bridage acoustique sera mis en place.
    L’Ae recommande que la période de calcul des émergences se fasse sur la période la plus calme et que l’emplacement des outils de mesure soit fait en concertation avec les riverains concernés.
    METZ, le 5 janvier 2023
    Pour la Mission Régionale
    d’Autorité environnementale,
    le président,
    Jean-Philippe MORETAU

  • 9 https://www.eurobats.org/sites/default/files/documents/publications/publication_series/EUROBATS_No6_Frz_2014_WEB_A4.pdf
    10 Note technique du Groupe de Travail Éolien de la Coordination Nationale Chiroptères de la SFEPM, 2020.

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